31 octobre 2006

La Transformation De l’Occupation Humaine.

Exposé analytique
sur la conjecture socio-économique contemporaine.

- Premier volet: le travail.

L’augmentation du nombre de gens sans emploi stable et la persistance de cette situation constituent, depuis une trentaine d’années, une tendance lourde dans la société post-industrielle. La réorientation de l’occupation humaine que cela occasionne, provoquée par l’informatisation, entraîne une ambiguïté autour du mot travail. Il faut donc premièrement dégager les deux concepts totalement différents qu’il incarne.
D’une part on parle d’un labeur répétitif, une corvée astreignante, non-valorisante, dont le seul intérêt consiste en un chèque de paye. C’est "l’ouvrage salarié". D’un autre côté il est question d’un exercice valorisant, intéressant, permettant d’utiliser ses habiletés et qui donne le sentiment de contribuer véritablement à la société ainsi qu’à son propre épanouissement. C’est "l’occupation volontaire". Il est primordial de saisir parfaitement la nuance. À titre d’exemple, les ouvriers d’une usine ou les secrétaires de bureau exécutent de l’ouvrage salarié, un labeur répétitif non-valorisant tendis que les enseignants, les aidants naturels ou les organismes sociaux accomplissent une activité volontaire, une occupation valorisante et enrichissante. Dorénavant, il n’est plus possible d’utiliser le mot "travail" sans susciter la confusion qui résulte de ces deux notions opposées. Nous parlerons plutôt de l’ouvrage salarié et de l’occupation volontaire pour bien marquer les notions de référence. Ce n’est pas le labeur en tant que tel qui est source de valorisation et d’épanouissement personnel, c’est le volontariat. C’est l’occupation volontaire à quelque chose d’agréable et de constructif qui permet aux êtres humains de se réaliser pleinement. Ceux qui avaient le choix, les gens aisés, arrivaient à salarier une activité volontaire alors que le prolétariat était soumis à l’ouvrage salarié. Jusqu’à maintenant, l’ouvrage salarié produisait les biens et services desquels les entreprises tirent leur bénéfice. Désormais, l’informatisation remplace l’ouvrage salarié. Cela entraîne la réduction considérable des dépenses et l’augmentation de la production. Ce phénomène provoque une hausse substantielle des profits chez les entreprises.
Dans l’histoire, l’automatisation du métier à tisser (de Jacquard, 1752-1834) provoquait un bouleversement extraordinaire dans le monde du tissage. Le métier à tisser manuel fut rapidement évincé du milieu industriel puis relégué à l’artisanat. Plus près de nous, souvenez-vous des départements entiers remplis de femmes affairées à la dactylographie des documents. L’avènement de la photocopieuse à fait disparaître toutes ces tâches et apporté une réorganisation du bureau.
L’ouvrage salarié est directement rattaché au marché économique (la consommation) tendis que l’activité volontaire est axée sur les services aux humains, reliée à l’entretien et à l’amélioration des institutions et des infrastructures qui composent la société (les services sociaux, dans un sens large). C’est simple: l’ouvrage salarié est constitué par l’ensemble des tâches informatisables, l’activité volontaire représente l’ensemble des tâches non-informatisables.
Une fois cette distinction fondamentale établie, il est possible d’analyser clairement le phénomène qui se développe. Depuis les années ’80 les mises à pied se multiplient alors que les capitaux croissent. C’est ainsi qu’on assiste à la disparition graduelle de l’ouvrage salarié, de toute besogne informatisable. Le monde du travail (dans le sens d’occupation humaine) connaît actuellement une révolution majeure. Ce n’est pas qu’un pourcentage de la population soit paresseux. Dans les faits, il est victime de l’informatisation. Progressivement, à l’échelle planétaire " la production sera obtenue avec si peu de travail humain que celui-ci sera marginal. ". Les machines informatiques assureront la fourniture des biens et denrées requis par l'humanité. Ce n’est pourtant pas compliqué. La consommation installe une croissance économique. La main d’œuvre abondante apporte l’industrialisation. L’industrialisation débouche sur l’automatisation. L’informatisation libère la main d’œuvre et amplifie les gains en capitaux des affairistes. La masse salariale est en train de se réduire considérablement jusqu’à n’être formée que par des emplois reliés aux services humanitaires, techniques et artisans. C’est une tendance incontournable. En ce moment nous nous trouvons entre deux systèmes. L’ouvrage salarié disparaît progressivement. C’est une évolution parce que la main d’œuvre ainsi libérée s’oriente graduellement vers des occupations reliées au maintien et à l’amélioration des conditions de vie (organismes sociaux, entraide, friperie, comptoir alimentaire, recyclage, aidants, garderies, accompagnateurs, etc.).
Au début des années ’80, le processus d’informatisation, la robotisation, fut ralenti en raison de la crainte des syndicats devant l’absence d’alternative face à la disparition du "travail". Cependant, le développement de l’automatisation était irrémédiablement engagé. La problématique actuelle concernant un "désœuvrement" apparent chez la masse des non-salariés provient du fait que ces gens ne disposent pas de moyen financier leur permettant de remplir une occupation volontaire enrichissante (au bénéfice de la société). [Dans ce texte, l’expression "non-salariés" défini l’ensemble qui regroupe tous les gens dont le revenu provient d’une allocation de l’État : Rente d’invalidité, Pension de vieillesse, Allocation aux artistes, Assurance chômage, Aide sociale.] La maigre allocation qu’ils reçoivent de l’État n’arrive même pas à défrayer leur coût de la vie. La masse non-salariée se voie contrainte à restreindre ses activités et ses dépenses à tel point qu’elle se trouve condamnée à l’inactivité pour maximiser le moindre dollar en fonction des besoins élémentaires. Il s’ensuit des corollaires déplorables dans une société moderne. Malnutrition, dénuement, déscolarisation, dégradation de la santé, alcoolisme, toxicomanie, taxage, prostitution, criminalité. Une situation de pauvreté inacceptable au sein d’une société produisant pourtant une richesse économique considérable. Les non-salariés ne sont pas responsables de leur situation. Celle-ci ne relève pas d’un libre choix. Elle est la conséquence directe de l’évolution technologique qui résulte de l’avancement des connaissances. L’informatisation (automatisation) est la résultante inhérente à l’industrialisation. C’est un moyen formidable qui porte en gestation une évolution aussi marquante que fut l’invention de la métallurgie qui a provoqué la fin de l’ère néolithique (Période de Hallstatt, âge du fer, [paléontologie]). Il devient impératif que les gouvernants reconnaissent le phénomène et subviennent promptement à la réorientation des activités humaines vers les "services humanitaires". Ce transfert des activités humaines, de l’ouvrage salarié à l’occupation volontaire reliée au maintien et à l’amélioration des conditions de vie, requiert l’établissement du revenu de citoyenneté. À la fois pour dégager l’État d’un rôle d’employeur qu’il n’a pas à jouer, pour maintenir et entretenir les structures sociales nécessaires à la population et pour permettre à la masse non-salariée croissante de remplir les fonctions essentielles dans la société tout en lui assurant une subsistance adéquate.
Soutenir et améliorer les acquis sociaux par l’installation du revenu de citoyenneté, c’est maintenir la communauté vivante, intéressée, disposée, impliquée. C’est favoriser le sentiment de contribution personnelle à l’édification de sa société. C’est permettre aux gens de jouir du fait d’être vivant et de pouvoir mettre en œuvre ses habiletés au bénéfice de la collectivité.
- Deuxième volet: le détournement des capitaux.
Alors que les consommateurs produisent 2/3 de l’économie, les véritables gains en capitaux sont réalisés uniquement par les fonds d’intérêt (banques, assureurs, etc.), la spéculation (investisseurs) et les propriétaires d’entreprises. Parce que ce ne sont pas les prolétaires qui retirent des capitaux de la circulation. Selon les économistes "les pauvres ont une propension à dépenser "( ! ). "Celui qui manque de tout, dès qu’il frappe une piastre, il va la dépenser… pas celui qui possède trois automobiles!". En 1996, ATT (géant américain de la téléphonie) procédait à 40 000 licenciements. Son PDG, Robert Allen, empochait un salaire de 16.2 millions. Alcatel, jouissant d’un bénéfice annuel de 15 milliards, congédiait pourtant 12 000 employés. Suissair réduisait son personnel de 1800 personnes réalisant une économie de 500 millions de francs. Proctor & Gamble, avec un bénéfice annuel de 3.78 milliards coupait 15 000 postes. Les petits et moyens salariés peuvent toujours courir, la tendance ne manquera pas de les rejoindre. Selon Monsieur Parizau, en 1999 l’impôt reporté s’élevait à 11 milliards pour 20 compagnies au Québec. 21 milliards pour 20 compagnies au Canada. Ce sont toutes les compagnies les plus riches (voir Léo-Paul Lauzon).
Les petits et moyens salariés s’enflamment indûment contre le nombre croissant de non-salariés et des services sociaux (voirie, santé, éducation, garderies, etc.) dont ils estiment faire les frais. Dans les faits, la responsabilité échoit à l’informatisation ayant favorisé l’augmentation du bénéfice des entreprises découlant de la maximisation de leur rentabilité. Or, le régime des subventions aux entreprises et des programmes d’évasion fiscale revient à frauder les communautés. Les restrictions budgétaires et la réduction des services qui en découlent provoquent la décrépitude des institutions et des infrastructures de la société humaine. Puisque mathématiquement l’impôt prélevé sur les petits et moyens salariés n’arrivera jamais à défrayer les coûts, l’évasion fiscale des sociétés d’affaires devient du vol pur et simple. Les communautés doivent faire pression sur les gouvernants et réclamer la récupération des recettes fiscales provenant des fonds d’intérêt, de la spéculation et des propriétaires d’entreprises.
D’un côté les gains croissants résultant de l’informatisation et de la spéculation génèrent des recettes fiscales considérables tendis que l’entretien et l’opération des infrastructures et des institutions sociales requiert l’injection de sommes importantes. Malgré les apparences, ces deux intérêts divergeant ne sont pas opposés. L’un n’empêche pas l’autre, au contraire. Il est simplement nécessaire de mettre un terme définitif à la fuite fiscale commise par les entreprises au détriment de la communauté. Les machines informatiques permettent la réorientation des activités populaires vers les occupations actuellement bénévoles et les services sociaux. Ce ne sont pas les taxes et l’impôt des petits et moyens salariés appelés à disparaître, qui n’arrivent pas à défrayer le coût des programmes sociaux. C’est l’hémorragie fiscale pratiquée par les entreprises qui entraîne les restrictions budgétaires et les coupures de service. Elles ponctionnent des sommes énormes de la communauté la privant de ses ressources vitales.
Étant donné que les détenteurs de fonds d’intérêt, les spéculateurs et les propriétaires d’entreprises gagnent largement de l’informatisation par l’augmentation colossale de leurs bénéfices, il est naturel de récupérer les recettes fiscales sur les capitaux énormes qu’ils prélèvent dans la communauté. Au lieu de "courir au devant des entreprises à la manière de M. Landry pour offrir 360 millions de dollars à General Motors qui venait de faire 600 millions de profit au cours du trimestre précédant" il faut suivre l’exemple de M. Roosevelt qui "a sorti le peuple de la crise en mettant de l’argent dans la poche des gens. C’est ce qui a relancé la consommation".
Les gens libérés de l’ouvrage salarié se réorientent vers une activité volontaire. Le revenu de citoyenneté vient répondre à cette tendance inévitable. Conjointement, la notion de plafond salarial qui est apparue récemment dans le domaine du hockey professionnel est en train de faire son chemin chez la population et dans les sphères où gravitent des rémunérations astronomiques. Sans égard au statut de la personne, il est certainement raisonnable de concevoir qu’un salaire de un million de dollars chaque année soit amplement suffisant pour un individu. Déclarer qu’à partir de ce moment l’accumulation de sommes additionnelles devient outrancière ne constitue pas une hyperbole. Le fait que ces privilégiés du système, les particuliers et les organismes d’affaires, n’affectent pas un sous de leur fortune démesurée à l’entretien des institutions et des infrastructures sociales qui charpentent la communauté qu’ils évident ajoute l’odieux à l’insulte. Nettement, la disproportion atteint une amplitude qui dépasse l’inacceptable.
-Troisième volet: coaliser les antipodes.
Historiquement, c’est la masse des paysans, des agriculteurs, des ouvriers d’antan et leur femme qui ont accompli par leur labeur et payé par leurs taxes l’édification de la société actuelle et ses infrastructures. À présent, il revient aux générations actuelles et suivantes de maintenir et d’entretenir ce qu’ils ont construit. Considérant que les contemporains descendent de ceux qui ont contribué directement par leur travail acharné depuis plusieurs millénaires à l’établissement de cette situation, le seul fait d’appartenir à cette civilisation - puisqu’ils en sont issus - justifie leur droit au revenu de base élémentaire devant leur permettre d’accéder aux opportunités que le niveau de richesse global de leur civilisation place sur la table. Le revenu de citoyenneté constitue un droit de filiation parfaitement légitime. Une dotation de base (rente hebdomadaire ou mensuelle) élémentaire et universelle. Ce montant est, bien entendu, déductible d’éventuels honoraires que la personne recevrait pour une embauche qui deviendra temporaire par définition.
Nous pouvons concevoir que les détenteurs de fonds d’intérêts, les spéculateurs et les propriétaires d’entreprises considèrent l’accumulation de capitaux comme la seule activité leur procurant satisfaction. En contrepartie, il faut reconnaître que pour la grande majorité de la population l’édification de la société et le maintien d’une qualité de vie constituent des responsabilités beaucoup plus enrichissantes. Puisque les parias mondains orientent leur attention vers les gains croissants, la population doit elle-même veiller à l’entretien de la société, préserver ses infrastructures et parfaire ses institutions.
Le principe du revenu de citoyenneté n’a rien à voir avec le luxe déplaisant que les parias mondains élèvent autour d’eux. À quelles occupations seront prochainement affectées les générations qui sortent des institutions d’enseignements? Nous nous trouverons sous peu avec des professionnels de la santé au chômage, des ingénieurs à faire de la sollicitation par téléphone, des enseignantes à faire tourner des manèges pour combler leur aide sociale, des électriciens et des plombiers sur des programmes de réinsertion sociale, des menuisiers balayeurs de rue, des jeunes désemparés suicidaires et des gangs étendant la criminalité.
Les programmes d’évasion fiscale et l’option d’impôts reportés d’année en année revient à détrousser la communauté de sa richesse collective puisque celle-ci y est prélevée rondement par la consommation. L’argent alloué au peuple, la ré-injection de fonds dans les collectivités par le revenu de citoyenneté stimule le commerce et par le fait même l’économie donc le gain en capital des entreprises.
Ce que nos gouvernants nomme "économie sociale" n’en est pas une parce que les services humanitaires en question s’adressent à des gens qui ne disposent pas, présentement, des capitaux leur permettant d’assumer les coûts substantiels des mêmes services offerts sur le marché. Il s’agit plutôt d’un nouveau système qui s’installe, certes en parallèle mais pour un certain temps seulement. La qualité des services humanitaires n’a aucune raison d’être moindre que ceux qui sont offerts sur le marché puisque l’État approvisionne les infrastructures et le revenu de citoyenneté vient garantir leur opération. L’objectif n’est donc pas le profit mais l’occupation.
Ce n’est pourtant pas compliqué. La consommation installe une croissance économique. La main d’œuvre abondante apporte l’industrialisation. L’industrialisation débouche sur l’automatisation. L’informatisation libère la main d’œuvre et amplifie les gains en capitaux des affairistes. La main d’œuvre se réoriente vers l’entretien et l’amélioration des institutions et des infrastructures de la société. Les gains financiers volumineux fournissent des recettes fiscales abondantes. Le retour à l’État de celles-ci permet l’établissement du revenu de citoyenneté. Le revenu de citoyenneté favorise et maintien la consommation. La boucle est bouclée: les affairistes continuent à engranger des capitaux tendis que les gens retrouvent leur liberté. Tout le monde y gagne. La qualité de vie s’améliore définitivement et l’humanité pourra aborder d’autres avenues d’évolution.
On allègue en rhétorique que cette perspective incite les entreprises à fuir vers les régions en voie de développement, vers les pays se trouvant au stade pré-syndical. Concrètement, l’option est valide uniquement pour quelques manufactures et certaines industries. Avec le temps et suivant notre exemple leurs masses salariées ne manqueront pas de mettre en place les organismes et les infrastructures qui les mèneront au même point. C’est notre mode de vie que ces gens contemplent. Ils veulent accéder eux aussi aux facilités d’une société développée. Ils désirent le confort dont nous jouissons. Selon toutes probabilités, en moins d’un siècle ils édifieront à leur tour des institutions et des infrastructures modernes. Au reste, la construction, l’alimentation, le transport, l’éducation, la santé, les médias, la sécurité, l’énergie, les domaines informatiques, la conception et l’innovation technique sont des services qui ne peuvent être réalisés ailleurs. Les entreprises œuvrant dans le secteur des hautes technologies ont besoin d’une expertise de calibre. Bien qu’en matière d’intendance la gestion et l’administration disposent d’outils informatiques admirables et fiables, la responsabilité ne peut être imputable qu’à des humains qualifiés. En conséquence, la sphère décisionnelle échoira toujours à des humains.
Il faut rendre justice à nos prédécesseurs, les paysans, les agriculteurs, les ouvriers et les femmes qui ont édifié la société dont la responsabilité nous revient à présent. Que leur vie épuisante de sacrifices laborieux n’eut point été en vain! Les humains sont des êtres sociaux. L’épanouissement individuel passe par la collectivité. Nous sommes nés pour le bonheur certes mais en société, non en retrait.

- Conclusion et ouverture.
Guerres, racisme, intolérance, déséquilibre entre richesse et pauvreté, peur de l’engagement et famille éclatée, sida, solitude, égoïsme. L’économie présente au monde un lourd et tragique constat d’impuissance et d’échec. "L’erreur fondamentale de l’économisme est de réduire les activités humaines à la production et à la consommation.". L’économie est une simple machine à produire des biens sans autre finalité que plus de biens encore. Le consumérisme effréné est devenu l’idéal ultime d’une civilisation produisant gaspillage et pollution. Ce système voue les gens à une existence médiocre partagée entre labeur et récupération physiologique, hantée par la rareté et la pénurie. Au lieu de nous soustraire au besoin il nous y enfonce.
Nous devons réaliser qu’il y a une vie en dehors de la rumination financière, en dehors de la course aux acquisitions. Il existe d’autres valeurs qu’un spacieux condo huppé, que des automobiles luxueuses, que des soirées de foire érotique, que des comptes en banque sans cesse grandissants. L’univers n’a pas conçu la vie humaine pour en faire un esclave assoiffé de camelote accumulée dans les vitrines. L’humain n’est pas destiné à "vivre dans un milieu où l’eau est polluée, l’air irrespirable, la nature saccagée, où les derniers-nés maudissent leurs géniteurs de leur avoir légué un tel héritage empoisonné". Il est impératif de repenser la validité d’un mode de vie dont l’expansion à la planète entière constituerait une catastrophe climatique et écologique tout à fait similaire à l’écrasement de l’astéroïde qui provoqua la disparition des dinosaures. La sauvegarde de ce qui existe, le respect pour chaque créature, pour chaque écosystème, l’intérêt pour la musique, l’art, l’artisanat, l’entraide. Les conversations intellectuelles ou la pratique d’un sport sain. Une balade en famille dans la forêt, jouer avec ses enfants, s’éduquer auprès de nos grands-parents. Écouter les oiseaux, humer le parfum des fleurs, aimer vivre et inventer ses lendemains.
Il faut désormais considérer, admettre puis adresser le transfert de l’exercice humain vers une occupation volontaire valorisante et enrichissante, découlant de la disparition de l’ouvrage salarié, rendu possible grâce à l’informatisation. Le revenu de citoyenneté, une rente de base élémentaire et universelle, revêt maintenant une signification claire. Voilà à quel point l’informatisation bouleverse la notion du "travail" en guise de contribution majeure à notre civilisation.
Le Québec n’est-il pas distinct? La Nation québécoise n’est-elle pas historiquement formée d’un peuple d’explorateurs et de pionniers? N’est ce pas nos ancêtres qui ont ouvert l’Amérique? Si la petite province de la Saskatchewan, avant d’être imitée par les autres, a été capable de bâtir l’assurance hospitalisation (Assurance Maladie) contre toutes les compagnies d’assurance du continent, contre toutes les compagnies de produits pharmaceutiques du continent, contre tous les collèges de médecins d’Amérique du nord y compris celui du Québec, nous sommes capables d’installer le revenu de citoyenneté. Voilà un pas concret vers une répartition équitable des richesses en fonction de l’amélioration des conditions de vie.
Le transfert des activités humaines vers une occupation dont le mobile n’est pas rattaché au marché mais relié à l’entretien et à l’opération des institutions et des infrastructures sociales est une évolution incontournable vers laquelle sont appelées les diverses sociétés qui forment notre civilisation. C’est une révolution riche de promesses. Nous devrions nous en réjouir mais, prisonniers de nos habitudes de penser, nous avons tendance à reculer devant les transformations qui se profilent pour un avenir proche. Les non-salariés ont leur place dans la société. Ce sont eux qui produisent les arts, la musique, la littérature. Ce sont elles qui s’occupent des autres, qui élèvent les enfants, qui accompagnent les anciens et réconfortent les mourants. Ce sont les artisans qui humanisent la société beaucoup plus que ces "nobles" ou ces "bourgeois", privilégiés repus satisfaits d’êtres entretenus par la consommation et qui n’apportent absolument rien à la société. Ne sont-ils pas ceux qui représentent une charge dont nous tous, le peuple, devons assumer le fardeau depuis des générations?
Honnêtement, qui sont-ils les véritables assistés sociaux?

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DataJY
2000